Marcel PROUST
Le père, un illustre professeur de médecine, la mère, une femme d´une vaste culture, issue d´une riche famille juive, qui verra dans le bonheur des siens l´accomplissement de sa vie de femme: la rampe de départ pour la vie se présentait on ne peut mieux pour Marcel Proust. Mais le sort en décide finalement autrement. Le petit Marcel est un enfant fragile, hyper émotif. A 7 ans, le diagnostic paternel tombe: malade des nerfs. Malade d´amour aussi, l´enfant souffre d´insomnies et d´une névrose de séparation… de sa maman chérie. A 9 ans, il a sa première crise d´asthme. A la puberté il découvre son homosexualité. L´homosexualité est alors considérée comme une maladie mentale qui conduit automatiquement au rejet social. On peut dire que Marcel cumule les tares. Pour cet éternel mendiant d´amour, cet hypersensible, ce“malade à perpétuité“, traqué de toute part, par la maladie, par l´angoisse de la maladie, par l´entourage qui le force à dissimuler sa différence, par ses parents qui lui mettent la pression quand ils lui découvrent un déficit supplémentaire „une maladie de la volonté“- il souffre de procrastination- , la quête du bonheur devient mission impossible. De traqué à détraqué il n´y a pas loin. Marcel se réfugie dans le monde socratique du beau, du bon et du bien. Il croit le trouver dans sa jeunesse dans l´aristocratie qui remplit à ses yeux ces critères esthétiques et philosophiques. Ce n´est que bien plus tard qu´on réalisera que ce snob de Proust, ce „Proustaillon“, dont on se moquait si volontiers, n´avait pas perdu son temps. Il avait tout simplement emmagasiné la matière de ce qui deviendra un jour „A la recherche du temps perdu“, véritable tapisserie, ouvrage de Pénélope, passé à défaire et à refaire les mailles des milles articles, réflexions politiques, essais philosophiques, critiques d´art publiés dès l´âge de 18 ans, pour en faire, enrichie de souvenirs autobiographiques une fresque de sept romans en tout. Une oeuvre de rachat pour son auteur traqué par le temps cette fois, oeuvre de réparation envers les parents dont il se sent coupable d´avoir été „le seul souci“, „le plus gros chagrin“. Cette vie mal vécue se termine sur la plus belle preuve d´amour d´un fils à ses parents morts. Un travail de mémoire (volontaire ou involontaire) pour lequel l´auteur s´est retiré dans les dernières années de sa vie dans une chambre sombre à l´air confiné et dans la solitude, en un tête à tête avec ses souvenirs du paradis perdu (de l´enfance) et la mort qui approche à grands pas. En 1913 paraissait „ Du côté de chez Swann“, le premier des 7 volumes de la Recherche qui ont assuré à Marcel Proust une place de choix dans la littérature mondiale… reconnaissance posthume hélas! „Tout finit par arriver même ce qu´on désire, mais quand on ne le désire plus“